Cultiver le houblon bio dans une ferme diversifiée : la clé de la réussite ?

houblon en polyculture

La culture du houblon en bio est complexe et demande de maîtriser de nombreux facteurs. Le démarrage d’un atelier houblon dans une ferme diversifiée en polyculture-élevage, apporte une complémentarité du végétal et de l’animal très intéressante à de nombreux niveaux. Nous avons voulu interroger FEVE sur sa vision de la ferme diversifiée. et article a pour but d’explorer les avantages de cultiver du houblon au sein d’une ferme diversifiée en polyculture-élevage en agroécologie et plus particulièrement au sein d’une ferme collaborative et diversifiée.

Une ferme en polyculture-élevage est une ferme qui conjugue cultures animales (élevage de vaches, moutons, chèvres, porcs, poulets, etc.) et cultures végétales (houblon, céréales, légumes, fruits, etc.).

Qui est FEVE et quel modèle de ferme mettent-ils en avant ?


Marguerite pour FEVE - Fermes En ViE est une solution de financement agricole pour les personnes souhaitant s’installer sur des fermes diversifiées en polyculture-élevage.

Fermes En ViE sélectionne des fermes à reprendre, étudie leur potentiel agronomique et économique, les achète via l’épargne citoyenne puis les loue à des groupes d’agriculteurs et agricultrices souhaitant s’installer en agroécologie. En tant que locataire vous bénéficiez de la sécurité d’un bail rural-environnemental avec une option d’achat de votre partie de la ferme ou de sa totalité au bout de 7 ans. C’est vous, avec les autres porteurs et porteuses de projet et accompagné(e)s par FEVE qui s’installent, qui décidez du niveau de coopération que vous souhaitez avoir entre les différents ateliers.

La ferme en polyculture-élevage vue par Fermes En ViE, c’est une ferme de taille moyenne (entre 40 et 100 hectares) qui est répartie en sous-ateliers de production agricole complémentaires. Tous les agriculteurs et agricultrices qui sont sur la ferme sont signataires d’une charte agroécologique assez exigeante qui comporte trois volets : une dimension agronomique, une dimension sociale et une dynamique sociétale.

Le modèle, conçu par une équipe d’ingénieurs agronomes, est créé autour des ateliers principaux et complémentaires (grandes cultures, élevage et maraîchage) auxquels peuvent s’ajouter des ateliers annexes (houblonnière, atelier d’huile végétale, fleurs coupées, poules pondeuses, apiculture, etc.) en fonction des aspirations des porteurs de projet, de la configuration de la ferme et du terroir. Tout est dimensionné (taille des ateliers et des troupeaux) pour assurer un équilibre écologique et économique de la ferme.

Chaque ferme est conçue au départ pour 4 à 5 personnes. Il est en effet quasi impossible d’avoir les compétences et le temps pour gérer seul autant de diversité sur une même ferme. C’est donc un modèle de ferme collaborative. Les personnes en place vont choisir leur niveau de collaboration : le niveau de mutualisation des revenus, des astreintes et des dépenses mais aussi le mode de gouvernance et de prise de décisions. Ils peuvent s’ils le souhaitent simplement coexister. Un accompagnement est prévu avec Fermes En ViE avant et après la mise en place, tant du point de vue technique qu’humain.

Culture du houblon bio et ferme diversifiée en polyculture-élevage : pourquoi allier le végétal et l’animal ?


Marguerite pour FEVE - Pourquoi vouloir cultiver du houblon en bio sur une ferme agroécologique en polyculture-élevage ? Parce que la complémentarité du végétal et de l’animal sur un même lieu permet d’y boucler le cycle des nutriments.

Ainsi dans une ferme en polyculture-élevage, les nutriments nécessaires au houblon sont disponibles sur place.

Dans le modèle de ferme spécialisée, on observe d’un côté les fermes d'élevages où il y a de l’excédent d’azote via les déjections animales et de l’autre les fermes céréalières demandeuses en azote et disposant de carbones via les co-produits des céréales (la paille par exemple). Il y a donc de la perte de nutriments des deux côtés. Dans une ferme en polyculture-élevage, les deux activités se retrouvent associées dans un cercle géographique de quelques hectares et se complètent. Par exemple, le fourrage et alimentation des animaux sont cultivés sur place, l’engrais pour la houblonnière et le maraîchage obtenus grâce aux déjections animales, etc.). Une houblonnière présente sur une telle ferme pourrait ainsi bénéficier des déjections animales pour combler ses besoins en azote (apport d’engrais via le fumier).

L’élevage animal étant conduit également en bio, il y a une complète traçabilité de la qualité du fumier. L’engrais n’étant pas le seul élément dont peut bénéficier la houblonnière : si besoin, les grandes cultures peuvent fournir de la paille pour pouvoir pailler les houblonnières l’hiver ou réduire la présence d’adventices dans les inter-rangs. Ensuite, les fermes en polyculture-élevage permettent de mener une culture houblonnière à empreinte carbone réduite. C’est un des autres avantages à avoir une proximité des ressources grâce à la présence d’autres ateliers de culture sur la ferme : l’empreinte carbone est réduite grâce à la disponibilité sur place des ressources et les coûts sont plus stables grâce à la baisse d’achats d’intrants à l’extérieur (dont les prix dépendent de la variation des cours).

Enfin, et ce dernier point est davantage expérimental : la présence d’un élevage de petits ruminants ovins (de moutons donc) dans la même ferme que la houblonnière permet de créer un système de parcours de pâturage pour les bêtes. Prenons l’exemple de moutons venant pâturer sur la parcelle de la houblonnière à intervalles réguliers. Cela permet de :

  • fournir un apport direct en azote et potasse sur le sol grâce aux déjections ;
  • désherber les inter-rangs via le pâturage et le piétinement ;
  • effeuiller les feuilles basses de la plante du houblon ce qui peut limiter la venue du mildiou et d’autres ravageurs.

Une expérience est menée en ce moment dans une houblonnière en Bretagne avec une race de moutons particulière (moutons de Belle-Île), ce modèle d'agro pastoralisme s’inspire des expériences de l’agriculteur en Nouvelle-Zélande.

Attention cependant si le sol a une haute teneur en cuivre pour cause de traitements bio des cultures alors cela peut être toxique pour les animaux.

elevage et houblon

Y a-t-il des spécificités écologiques propres à la ferme en polyculture-élevage ?


Marguerite pour FEVE - Implanter sa houblonnière en bio dans une ferme diversifiée en agroécologie permet d’intégrer sa culture dans un écosystème riche et varié. Cela présente plusieurs avantages.

Tout d’abord une résistance accrue aux aléas climatiques et économiques. En favorisant la production sur de multiples espèces animales et végétales, la ferme est plus résiliente en cas de fortes variations climatiques mais aussi économiques. Chaque espèce réagissant différemment aux spécificités climatiques, il est peu probable que vous ayez des mauvaises surprises sur toutes vos récoltes. C’est tout l’enjeu de diversifier la production.

De plus, ce sont des lieux qui favorisent l’essor de la biodiversité. Sur la même ferme où se trouvent houblonnière, maraîchage, arboriculture et grandes cultures peuvent être cultivées des centaines d’espèces végétales différentes. La diversité des espèces cultivées et l’entretien des prairies naturelles par l’élevage et des haies favorisent le développement d’une biodiversité riche et variée. Outre les bienfaits naturels de cette biodiversité pour la vie et la richesse du sol, elle va permettre une régulation des maladies, des parasites et des ravageurs. En effet, les maladies se diffusent beaucoup moins facilement lorsqu’il y a une importante diversité des espèces cultivées au même endroit. Enfin Une limitation naturelle des intrants

Sur les parcelles de grandes cultures, l’alternance de cultures fourragères (pour nourrir les bêtes) aux cultures de ventes crée une rotation culturale qui permet de limiter les adventices, les maladies et la présence de ravageurs. L’utilisation des engrais verts en maraîchage et sur les houblonnières va permettre un enrichissement des sols en phosphore et azote. Ainsi, c’est naturellement que les besoins en intrants (engrais et pesticides/insecticides), qu’ils soient autorisés en agriculture biologiques ou non, sont limitées.

houblonniere et polyculture

Qu’en sont-ils des aspects humains et économiques ? Quels sont les avantages d’une ferme collaborative à ce niveau ?


Marguerite pour FEVE - Cultiver du houblon au sein d’une ferme collaborative permet une mutualisation de coûts et de certaines tâches. Lancer sa houblonnière en intégrant une ferme diversifiée et collaborative ouvre l’opportunité à de nombreuses synergies humaines et économiques.

Les gains économiques sont pluriels. Il y a la possibilité de mutualiser certaines tâches de commercialisation et communication ainsi que des tâches administratives. On a également l’option de mettre en commun l’achat de certains matériels, la construction et l’entretien de bâtiments de stockage, de transformation ou de réunion.

La ferme collaborative a également un impact sur les conditions de travail. Avoir une équipe de personnes sur la ferme donne la possibilité de mobiliser une grosse équipe dans le cadre de chantiers exceptionnels et ponctuels nécessitant beaucoup de main d'œuvre. Cela offre enfin l’option d’échanger des astreintes pour pouvoir partir en vacances ou en week-end.

Enfin, il y a un échange de savoir-faire techniques et de soutien moral possible lorsque l’on fait face à des difficultés particulières sur son atelier. Au vu des aléas quotidiens auxquels font face les agriculteurs et agricultrices, il est important de souligner les bienfaits d’avoir le soutien moral d’un groupe dans les moments difficiles.

Enfin, intégrer une ferme collaborative avec Fermes En ViE c’est aussi la possibilité d’avoir accès plus facilement à du foncier. En 30 ans en France le nombre de fermes à été divisé par trois alors que leur taille moyenne est passée de 20 à 60 hectares. Il est donc de plus en plus compliqué de s’installer seul pour cultiver du houblon car les fermes à la vente sont grandes et donc chères ! D’où l’intérêt des fermes collaboratives : s’installer à plusieurs sur ce type de ferme permet de pallier à l’obstacle du prix et de pouvoir s’installer sur de grandes fermes tout en restant sur un atelier à taille humaine.

Cependant, trouver un groupe d’agriculteurs et d’agricultrices qui souhaitent s’installer sur le même horizon et dans la même zone géographique que soi avec des ateliers agricoles complémentaires n’est pas chose aisée. De même, débourser la somme d’argent pour acheter ne serait-ce qu’une partie de ces grandes fermes est compliqué. Des initiatives comme celles de Fermes En ViE permettent de dépasser ces blocages.

Marguerite Legros Maraîchère en devenir & Responsable du contenu chez FEVE

Marguerite Legros


Maraîchère en devenir & Responsable du contenu chez FEVE

Marguerite est diplômée de l’ESSEC en management et du Schumacher College en maraîchage. Avec cette double casquette, elle alterne entre animation de la communauté de porteurs et porteuses de projet de FEVE, rédaction d’articles sur les enjeux du monde agricole et préparation de son projet d'installation.